Un adversaire du bilinguisme officiel à la commission Laurendeau-Dunton

Un adversaire du bilinguisme officiel à la commission Laurendeau-Dunton

  • Auteur(e): Roberto Perin
  • Dossier: Le projet du bilinguisme canadien : histoire, utopie et réalisation
  • Type: Article

Extrait

Nommé en juillet 1963 commissaire à la Commission royale d’enquête sur le bilinguisme et le biculturalisme, Jaroslav Rudnyckyj (1910-1995) rejette tant le bilinguisme que le biculturalisme, termes trop restrictifs, selon lui, car ils n’englobent pas la réalité canadienne dans toute sa diversité. Champion du multiculturalisme et des bilinguismes multiples et variables selon la région du pays, il mène un travail acharné au sein de la commission et en dehors d’elle afin de réaliser ses aspirations pour son pays adoptif. Doit-on donc voir en ce personnage un précurseur du Canada pluraliste contemporain ou bien, comme soutient la linguiste Eve Haque, un héros manqué qui, tout en luttant contre la marginalisation des immigrants d’origine européenne, étaye celle des immigrants de couleur et de religion non judéo-chrétienne[2] ? Derrière ces appréciations quelque peu réductrices se cache une réalité beaucoup plus complexe qui se rapporte à la situation alambiquée à la fois politique, idéologique et nationale en l’Europe de l’Est pendant la première moitié du vingtième siècle. Car, faut-il le rappeler, moins de quinze ans séparent l’installation de Rudnyckyj au Canada de sa nomination à la commission. Cette ascension fulgurante, tout universitaire fut-il, est sans doute due au poids politique qu’acquiert le Comité ukrainien canadien (précurseur de l’actuel Congrès des Ukrainiens-Canadiens), créé de toutes pièces par le gouvernement de William Lyon Mackenzie King lors de la Seconde Guerre mondiale pour s’assurer de l’appui des Canadiens d’origine ukrainienne à la cause des Alliés[3]. Suivre cette piste serait certes intéressant et fécond, mais là n’est pas le propos de cet article.

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