Denyse Baillargeon, Repenser la nation. L’histoire du suffrage féminin au Québec, Montréal, Éditions du Remue-Ménage, 2019, 238 p.

Denyse Baillargeon, Repenser la nation. L’histoire du suffrage féminin au Québec, Montréal, Éditions du Remue-Ménage, 2019, 238 p.

  • Auteur(e): Raphaël Jacques
  • Dossier: Hors-dossier
  • Type: Compte rendu

Extrait

Issu d’une série d’ouvrages sur l’histoire du droit de vote des femmes au Canada, l’essai Repenser la nation de Denyse Baillargeon postule que le discours nationaliste canadien-français est au cœur des débats sur le suffrage féminin, construisant la figure de la mère ménagère comme gardienne de la nation. Pour élaborer cette synthèse historique, la professeure émérite au département d’histoire de l’Université de Montréal se penche sur une multitude de sources et d’études en les soumettant aux outils analytiques développés dans les études féministes au courant des dernières décennies.

L’historienne démontre qu’au Québec, le nationalisme canadien-français est mis en opposition directe avec le suffrage féminin : pour les hommes d’Église comme ceux d’État, accorder le droit de vote aux femmes revient à mettre en péril la « race » canadienne-française et les mères qui la pérennisent au sein du foyer en produisant les futurs citoyens et en transmettant la culture nationale. Cette opposition bilatérale des élites politique et cléricale s’assoit sur la croyance que l’acquisition du suffrage féminin induirait un bouleversement des identités de genre normatives, émasculant les hommes d’un côté et virilisant les femmes de l’autre. Le nationalisme genré auquel adhèrent ces opposants se renforce d’autant plus au gré des victoires féministes dans le reste du pays. Dès lors, l’absence du droit de vote des femmes devient un gage de la particularité canadienne-française. Baillargeon soutient ainsi que, pour obtenir gain de cause, les féministes du Québec ne doivent pas tant exposer le bien-fondé du suffrage féminin que reconfigurer les discours autour de l’identité canadienne-française : elles doivent, pour ainsi dire, « repenser la nation ».

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